Wednesday 16 July 2008

Réflexions d'une Zinneke en Eurostar


"le Zinneke est celui qui a des origines multiples, symbole du caractère cosmopolite et multiculturel de Bruxelles."


J'aime L'Eurostar. Pas seulement parce qu'il me transporte chez moi chaque mois pour que je me rappelle qui je suis. Ni à cause de ce sentiment de liberté qu'engendre le voyage en confort et en rapidité. Ni même parce qu'aujourd'hui j'ai la meilleure place du monde, dans le premier wagon, qui arrivera à Bruxelles quelques précieuses secondes avant les autres, avec une table grâce à laquelle je peux griffoner, et une fenêtre, à travers laquelle je vois défiler l'Angleterre, la France, puis le cher plat pays... Autant de lieux qui font de mois cette Zinneke que je suis. Fenêtre dans laquelle je vois d'ailleurs le reflet inversé de ces gribouillages (reflet qui, d'ailleurs, donne la fausse impression que mon écriture est beaucoup plus soignée qu'elle ne l'est véritablement) et à essayer d'écrire en regardant ce reflet plutôt que la réalité.

Encore une belle metaphore de la vie, ça. Il est tentant de regarder le reflet et de vivre d'après lui, et non d'après la réalité- il est parfois tellement plus joli, parfois simplement different d'elle et c'est tout ce qu'on lui demande...

Pourtant, c'est dans la réalite que l'on est condamné, ou qu'il nous est donné (selon les opinions) de vivre. Il serait dangereux de s'orienter avec le passé comme boussole, ou les souvenirs d'un passé qui n'existe plus et peut-être, au juste, n'a jamais vraiment existé tel qu'il est dans les mémoires... Tout comme, en écrivant sans regarder la page elle-même, on finit par écrire de travers. Et c'est de travers qu'on voit la vie par la fenêtre du passe, des souvenirs à l'eau du rose où tout était si beau au temps du bon vieux temps, puis où - oh douloureuse non-réalite - les autres continuaient à vivre bien heureux, la vie continuait à son rythme merveilleux, mais sans nous...

Trève de digressions. (Pour le moment. Je ne doute pas qu'il y en aura bien d'autres.)

Si j'aime l'Eurostar, c'est donc, bien sûr, pour toutes les raison classiques - les details pratiques et essentiels, cette fenêtre, cette table - et parce que son existence même, et ma conscience de son existence, que je sois dedans ou non, me réconforte dans mon exil en me rapprochant des miens et de chez moi.

Mais c'est aussi et surtout parce que dans ce train, on trouve ce délicieux mélange de langues - mes deux langues, et puis le néerlandais, que je ne parle plus ou pas encore mais qui me fiat sourire de nostalgie et de bonheur parce qu'il me rappelle mes racines et mon chez moi.

Tout comme le train qui fait Londres-Cambridge abonde en intellectuels - avec qui je me sens solidaire, puisque je suis aussi des leurs - dans ce train-ci il y a surtout d'autres déracinés, comme ce garçon que j'ai rencontré la dernière fois et dont je n'ai pas compris - ou du moins pas retenu, ce qui revient au même, ou presque - l'histoire, l'identité, la nationalité. C'est ce que les autres doivent penser de moi aussi. Compliquée, son histoire a celle-là. Elle est bien anglaise, ça j'en suis sûr, mais elle se veut belge.... Je ne sais plus lequel de ses parents est d'où ni où elle a vécu, au juste. Ce train, je vous garantis qu'il est plein a craquer d'autres comme moi. Je pourrais passer des heures à discuter avec ces gens-là. Dites-moi, c'est quoi, votre histoire? Où vous sentez-vous chez vous? En avez-vous un, au juste, de chez vous? C'est où, "home"? (Comme le dirait Nancy Huston, "il y a de l'intraduisible là-dedans".) Ces compagnons de voyage comprendraient cela, sans me regarder de travers. Comme moi, ils raffoleraient sûrement de "Nord Perdu", ce livre grace auquel je me sens désormais beaucoup moins seule, beaucoup plus comprise, ne serait-ce que par Nancy Huston, que je ne connaîtrai jamais. Tout commes ces autres voyageurs déracines, d'ailleurs.

Leur simple existence, comme celle de l"Eurostar même, me suffit.

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